Etrangers diplômés en France : Le Sénat interpelle le gouvernement Fillon

Publié le par LDB

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le 21.01.12 |

Voici une circulaire dont les seules conséquences sont qualifiées de ‘stupides’, ‘aberrantes’, ‘infamantes’ par tous les acteurs concernés.

Paris.  
De notre correspondante

 

Tous dénoncent les ravages portés à nos écoles, l’université, la francophonie et à l’économie», a affirmé la vice-présidente du Sénat et sénatrice socialiste de Paris, Bariza Khiari. Cette résolution, dont Bariza Khiari est l’auteure, a été adoptée par 174 voix contre 139. Seule l’UMP a voté contre.
Mme Khiari a contesté les arguments avancés par le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, qui a justifié sa circulaire par le fait qu’il  faut réserver l’emploi en priorité aux Français et aux résidents réguliers ; qu’il ne faudrait pas encourager le «pillage des cerveaux» et que cela ouvrirait la voie à une installation définitive sur le territoire français de ces diplômés étrangers.  

L’argument du «pillage des cerveaux», invoqué par le ministre de l’Intérieur est, selon Bariza Khiari, vice-présidente du Sénat, «un argument à géométrie variable. La semaine prochaine, nous allons légiférer sur la situation des médecins à diplômes extracommunautaires. Ceux-là n’ont pas obtenu leur diplôme en France, mais ils exercent dans nos hôpitaux. Parlera-t-on du pillage des cerveaux à cette occasion ?» «En enjoignant les préfets à instruire avec rigueur les demandes de changement de statut, vous leur demandiez en réalité d’appliquer une politique du chiffre aboutissant à chasser du territoire des polytechniciens, des HEC, des centraliens», a accusé Mme Khiari.

La vice-présidente du Sénat s’est élevée contre l’une «des grandes indignités de notre République, le traitement des étrangers dans les préfectures». «Il est indigne dans un pays comme le nôtre que des hommes et des femmes soient obligés de se lever au milieu de la nuit pour aller faire la queue devant une préfecture ou une sous-préfecture sans être sûrs d’être reçus par le fonctionnaire en charge des dossiers de titres de séjour.» Et «les agents préfectoraux sont transformés, bien malgré eux, en agents d’administration de l’arbitraire, de l’humiliation et du non-respect du droit». «Votre circulaire n’est pas un malentendu, mais un calcul électoral», a-t-elle poursuivi, estimant que «la deuxième circulaire ne réglait rien».
La sénatrice Esther Benbassa (Europe écologie les Verts) a estimé pour sa part que «la France était en train de perdre son excellence dans le domaine de l’intelligence».


Levée de boucliers


La circulaire du ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, du 31 mai 2011 restreignant la possibilité pour les diplômés étrangers d’obtenir un statut de salarié après leurs études a provoqué une levée de boucliers, notamment dans les universités, mais aussi des réserves au sein du gouvernement et du patronat. Charles Givadinovitch, secrétaire national de l’UMP chargé de la lutte contre la précarité et la pauvreté, avait demandé à M. Guéant de supprimer cette circulaire qui «va à l’encontre de toute logique économique puisque nos entreprises ont réellement besoin de ces salariés qualifiés qui apportent leur double culture, une véritable richesse». Le ministre de l’Enseignement supérieur, Laurent Wauquiez, avait affirmé : «On s’est plantés !»

Le texte contesté donne instruction aux préfets d’étudier «avec rigueur» les demandes d’autorisation de travail des étudiants et d’exercer un «contrôle approfondi» des demandes de changement de statut des étudiants étrangers. Après la publication de cette circulaire, de nombreux diplômés étrangers, dont certains très qualifiés, qui avaient été recrutés dans des entreprises françaises, n’ont pas pu obtenir un changement de statut (d’étudiant à salarié). A la suite d’une mobilisation grandissante, M. Guéant a annoncé le 4 janvier une nouvelle circulaire qu’il vient d’envoyer aux préfets.

La nouvelle mouture est présentée par le gouvernement comme un «assouplissement» de la délivrance du permis de travail à certains étudiants étrangers à haut potentiel, notamment ceux ayant «une compétence spécifique recherchée» comme «la connaissance approfondie d’un pays ou d’une culture étrangère». Et un titre de séjour pour motif professionnel doit être accordé «dès lors que l’intéressé est pourvu d’un emploi ou titulaire d’une promesse d’embauche, y compris lorsque cela intervient avant la délivrance de son diplôme».

Les étudiants étrangers, réunis dans le Collectif du 31 mai, continuent de réclamer le retrait de la circulaire Guéant car son assouplissement annoncé mercredi 4 janvier est fondé sur des critères «qui laissent la place à l’arbitraire», ont-ils annoncé lors d’une conférence de presse.
Dans un communiqué, la première organisation étudiante, l’UNEF, a «demandé l’abrogation de la circulaire Guéant» car le nouveau texte revient à faire «beaucoup de bruit pour des évolutions mineures».
«Le recul de Claude Guéant sur la circulaire ‘étudiants étrangers’ ne suffit pas. Le gouvernement ne s’engage pas sur les délais de dépôt et de traitement des dossiers et les étudiants déjà renvoyés dans leur pays auront pâti d’un texte regrettable», écrivent pour la mairie de Paris Didier Guillot (adjoint chargé de la vie étudiante), Jean-Louis Missika (adjoint chargé de l’innovation, de la recherche et des universités) et Pascale Boistard (adjointe chargée de l’intégration et des étrangers non communautaire).

«Les jeunes diplômés étrangers occupent souvent des postes à l’international qui permettent à nos entreprises de conquérir de nouveaux marchés. A l’heure où le gouvernement ne cesse de vanter les mérites du modèle allemand, il devrait s’inspirer de son récent projet de loi visant à faciliter l’insertion professionnelle des diplômés étrangers», ajoutent-ils.
En effet, confronté au vieillissement de la population et donc à l’amenuisement de la main-d’œuvre qualifiée, le gouvernement allemand a présenté, le 7 décembre 2011, un projet de loi pour simplifier très largement l’accès à l’emploi pour les étrangers qualifiés. Pour sa part, Mireille Le Corre, responsable du pôle immigration-intégration dans l’équipe du candidat socialiste, François Hollande, à la présidentielle, affirmait, dans un communiqué daté du 24 décembre 2011, que si le candidat socialiste est élu «il saura repenser l’accueil des étudiants étrangers et redonner une impulsion à l’échange entre les universités françaises et étrangères, dans le respect de l’autonomie des universités».

Douze organisations – des syndicats comme la CGT, la FSU et l’UNEF, des associations comme SOS Racisme, Réseau éducation sans frontières ou Cimade – ont donné, début décembre, une conférence de presse au cours de laquelle elles ont  annoncé la création d’une plateforme commune exigeant «la régularisation des travailleurs sans papiers et l’égalité de traitement entre Français et étrangers dans les études comme au travail».
Une centaine de personnalités, dont le prix Nobel de physique Albert Fert, avaient lancé une pétition demandant «le retrait» de la circulaire Guéant qui avait recueilli, fin décembre 2011, plus de 18 500 signatures.
 

«Les 2/3 des étudiants extra-communautaires repartent chez eux» :

 

La France compte aujourd’hui 285 000 étudiants internationaux, ce qui correspond à un flux annuel de 60 000 nouveaux étudiants étrangers.
Parmi eux, 35 000 sont des extracommunautaires. La grande majorité d’entre eux (les 2/3) partent à l’obtention de leur diplôme. Sur les 10 000 restants, 5000 à 6000 obtiennent le changement de statut d’étudiant à salarié. Sur ces quelque 6000 étudiants, seuls 1/3 sont encore présents sur le territoire français les 10 années suivant leur arrivée, soit 2000 par an.

Ces chiffres, donnés par la vice-présidente du Sénat, Bariza Khiari, mercredi, «parlent d’eux-mêmes : l’immigration choisie via des filières étudiantes d’excellence ne concerne que très peu de cas, quelque 2000 par an, sur les 35 000 extracommunautaires. Il est par conséquent faux de dire et de penser que les restrictions visant ces étudiants puissent baisser le chômage».

 

Les médecins diplômés hors UE autorisés à exercer jusqu’à fin 2016 :

 

Les députés français ont adopté mercredi, à l’unanimité, une proposition de loi UMP qui proroge jusqu’au 31 décembre 2016 l’autorisation d’exercer pour les professionnels de la santé titulaires d’un diplôme obtenu hors de l’Union européenne.

Ce texte reprend une mesure qui avait été introduite dans la loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2012, mais que le Conseil constitutionnel avait censuré, estimant qu’elle n’avait pas sa place.

Selon le rapport de la commission des affaires sociales de l’Assemblée, près de 4000 praticiens, médecins, pharmaciens, chirurgiens-dentistes et sages-femmes étrangers sont concernés par cette autorisation d’exercer. Le texte a également un effet rétroactif puisque, du fait de la censure de cette mesure, le dispositif, qui avait été voté en 2007, arrivait à terme au 31 décembre 2011.
Le Sénat devrait examiner à son tour cette proposition de loi dans les prochains jours. Reuter
 

 

Nadjia Bouzeghrane
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